lundi 24 décembre 2012


Les semences paysannes et les semences de ferme de variétés du domaine public sont elles aussi assujettis à la CVO (Contribution Volontaire Obligatoire)



Ci-dessous, un message rédigé par le président du "Réseau Semences Paysannes".
Ce texte donne quelques précisions sur les taxes que doivent payer les agriculteurs pour la production (ou pas...) de leur semences.


Le Conseil d’État a rejeté le 21 novembre 2012 la requête de la Confédération Paysanne contre l'arrêté du 4 août 2010 renouvelant la "Contribution Volontaire Obligatoire blé tendre" (CVO) payée par les agriculteurs utilisateurs des semences de ferme et destinée à rémunérer les détenteurs des Certificats d'Obtention Végétale (COV) qui protègent les variétés ainsi cultivées. Selon sa décision, tous les producteurs de blé tendre doivent payer cette CVO, y compris ceux qui n'utilisent aucune variété protégée par un COV que cette CVO est sensée rémunérer. Les producteurs qui n'utilisent que les dernières variétés du domaine public encore disponibles ou des semences paysannes qu'ils ont eux mêmes sélectionnées et renouvelées, et qui donc ne doivent rien aux obtenteurs au titre des motifs affichés de l'arrêté contesté, doivent donc quand même payer. Depuis le 21 novembre, les belles promesses des représentants du GNIS et du Ministère qui prétendaient que ces agriculteurs peuvent demander à être remboursés sont nulles et non avenues ! Seuls les petits agriculteurs peuvent obtenir le remboursement de cette cotisation interprofessionnelle. 

Selon le Conseil d'État, le fait que la CVO, prélevée sous forme de "cotisation interprofessionnelle", soit aussi une royalties reversée aux détenteurs d'un titre de propriété industrielle, le COV, "n'interdit à aucune organisation interprofessionnelle agricole de prélever des cotisations sur les membres des professions la constituant" et (...) "n'exonère pas de cotisation interprofessionnelle les producteurs de blé tendre, autres que les petits agriculteurs, qui utilisent des semences (qui) ne disposent pas d'une protection communautaire"

Le Ministre a aussi indiqué son intention de publier en application de la loi COV de 2011, les arrêtés élargissant aux autres espèces les accords interprofessionnels de ce type. Nous sommes tous concernés, quelle que soit l'espèce de grande culture, de légumes, fruitière ou viticole que nous cultivons : 
- pour les 21 espèces dérogatoires (ou quelques supplémentaires annoncées par le ministère), les paysans producteurs de semences de ferme ou paysannes devrons tous payer
- pour les autres espèces pour lesquelles les semences de ferme sont interdites, tous les paysans utilisateurs de leurs propres semences de ferme ou paysannes (sauf les multiplicateurs pour le compte d'un tiers) devront déclarer leur activité de production de semences destinées à être plantées ou replantées (art 661-8 et 661-9 du code rural modifiés par la loi COV de 2011) et seront en conséquence menacés de poursuite en contrefaçon s'ils n'apportent pas eux-mêmes la preuve qu'ils n'ont pas utilisé une variété protégée par un COV. 

Contrairement à ce que dit le Ministre, la loi COV de 2011 crée donc bien "une nouvelle taxe pour tous les agriculteurs". Elle ne vient pas non plus permettre que "l’agriculteur qui met en culture une variété protégée puisse utiliser une partie de sa récolte comme semence en vue de la récolte suivante (« semence de ferme »), sans accord préalable de l’obtenteur" : les agriculteurs disposent de ce droit depuis la publication il y a maintenant 18 ans du règlement européen 2100/94 qui transcrit la convention UPOV de 1991. Elle vient au contraire offrir les outils juridiques permettant à l’État de contraindre les agriculteurs qui cultivent des espèces dérogatoires à payer pour pouvoir exercer ce droit, et aux contrôleurs du GNIS d'interdire toute semence de ferme d'espèce non dérogatoire. Ces moyens juridiques vont bien au delà du règlement européen qui laisse cette charge aux seuls obtenteurs. Cette loi va aussi bien au delà "des engagements internationaux de la France" en faisant payer les agriculteurs qui n'utilisent pas de variété protégée par un COV.

Certes, la loi "n'oblige aucun agriculteur à utiliser des variétés protégées par un COV". Mais il convient de rappeler au Ministre que la quasi totalité des variétés disponibles dans le commerce sont protégées par un COV, ou sont des hybrides F1 qui interdisent techniquement les semences de ferme. En effet ;
- la plupart des obtenteurs retirent leurs variétés du marché avant qu'elles ne soient plus protégées par un COV,
- le catalogue n'admet que des variétés protégeables par un COV et les variétés non protégées et non hybride F1 y sont de plus en plus rares,
- les artisans semenciers qui se battent pour maintenir la commercialisation de semences librement reproductibles se heurtent à des difficultés grandissantes pour les maintenir au catalogue
- les agriculteurs qui veulent utiliser leurs propres variétés se retrouvent hors de la légalité dès qu'ils échangent les semences indispensables à leur sélection et à leur renouvellement, et la loi COV ne vient absolument pas "remettre leurs pratiques dans la légalité"

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